La bonne blague (pv)

Le réveil sonna une fois, deux fois, trois fois, et s’arrêta sous la frappe épuisée d’une main levée dans le noir.

Ses doigts se glissèrent dans les plis du rideau et les tirèrent sur le côté. Belle journée à l’horizon.

Baille, étirement, craquement des doigts, paupières lourdes, yeux ouverts à moitié en forme de lacet, baille de nouveau, cool. Cela n’empêcha pas Karupin de lui marcher sur sa tête de blasé. Reposant le petit monstre sur la couverture, ses pieds s’enfoncèrent dans les chaussons posés près du lit. Le gamin se dirigea vers la salle de bain, une main dans ce dos qui le chatouillait. La tradition du matin l’avait fait se brosser les dents, se laver le visage, utiliser la serviette sur la gauche. Ah merde, les WC.

Il descendit dans la cuisine où il aperçut son père à table et Nanako aux fourneaux. Il s’installa sur une chaise au hasard sans dire un mot. Son père lisait le journal et lança un "Yo!" quand il vit son fils. Quant à Nanako, toujours souriante, elle s’approcha du gamin pour lui apporter son petit-déjeuner.

Aujourd’hui, il n’y avait rien à faire. C’était samedi. Pas d’entraînement chez Seigaku. Mais ce n’était pas pour autant qu’Echizen allait rester les bras et les jambes croisés chez lui. Autant profiter du temps et s’entraîner. Ses camarades n’avaient rien prévu. Sans importance. Son cerveau avait déjà tracé le planning du jour. Quand il eut fini de manger, il se leva de table pour regagner sa chambre. C’est alors que son père l’interpela : "Hé fiston, quand t’as fini de te préparer, descends. Je t’attends ici. Et n’oublie pas ton sac de tennis."

Le joueur de Seigaku prit un air méfiant. *Qu’est-ce qu’il me veut encore ?*
Lorsqu’il eut fini de se changer, de recoiffer quelque pique emmerdant dans ses cheveux et de préparer son sac, il rejoignit le samouraï. "Je vois que t’es prêt, alors on y va" lui lança son père. Echizen ne comprenait pas la situation mais ses pas le suivirent. *Qu’est-ce qu’il a encore derrière la tête ce vieux schnock?*

Ils arrivèrent devant la voiture et le morveux à la casquette s’arrêta : "Où on va ?"
Comme d’habitude, ‘Tu verras bien’ de son vieux accompagné d’un sourire ironique ne lui disait jamais rien qui vaille. Bien qu’il n’eut pas envie de mettre les pieds dans cette voiture, son père le poussa. La voiture passa devant des pâtés de maison, des appartements, des boutiques, puis déboucha dans un autre quartier, puis retour aux boutiques. Il ignorait totalement où ils allaient. Mais si son père lui avait mentionné d’apporter le matériel de tennis avec lui, c’était sûrement pour une bonne raison. Il était neuf heures. La voiture s’arrêta. Et son vieux paternel lui dit de descendre.

"T’as intérêt à bien te comporter toute la journée fiston ! Je reviendrai te chercher. Fais gaffe, je serai dans le coin"
Il n’avait même pas eu le temps de demander quand son père allait revenir le chercher que la voiture redémarra et s’éloigna. La bonne blague ! Le voilà délaissé au milieu de nulle part. Et puis toute la journée ?! Il n’avait pas prévu à manger ou quoique ce soit. Mais ce vieux schnock a fumé ! Heureusement qu’Echizen avait jeté son portefeuille et le portable dans le sac.

Il suivit la route et monta les marches. Le panneau à l’entrée indiquait un court de tennis. "Horaire d’ouverture : tous les jours de 8h à 12h, fermé les samedis après-midis"
*C’est quoi ce problème encore ? Tu parles de toute une journée. C’est fermé l’après-midi !*

Là, il tendit l’oreille à des bruits. Ce sont les bruits lorsqu’une raquette tapait la balle qui s’enfonçait dans le mur. Bon, maintenant qu’il était venu, il n’allait pas repartir sans avoir joué. Qui était-ce ? Pour que ce soit une connaissance de son père, ce devait être quelqu’un d’expérimenté. Ses pas se rapprochèrent.

A la vue de cette personne, son regard était empli de stupeur. C’était la silhouette d’une fille qui bougeait pour rattraper la balle. Il s'avança pour mieux distinguer le visage.

"Ryuuzaki ? Qu’est-ce que tu fais là ?"
A part cette question, il ne savait plus quoi dire. Et son adversaire professionnel qu’il attendait ? Tu t'fous de moi vieux débris!?

Spoiler:

Elle est bien bonne celle-là ! Sa grand-mère lui avait demandé de s’entraîner ? Elle avait l’habitude de venir ici ? Vu son étonnement de le voir, elle n’était pas au courant de sa manifestation. C’est quoi ce bordel ? Maintenant ça devenait un coup du vieux débris et de la vieille baba ?

Il regarda encore une fois autour de lui, personne. Un moment de réflexion s’installa une nouvelle fois. "Je reviens" s’adressa-t-il à Ryuuzaki avant de s’éloigner d’elle pour qu’elle n’entende pas et sortir son téléphone portable. Ses doigts appuyèrent sur le clavier avec précision et rapidité. Après la pression sur le bouton ‘décrocher’, il positionna le mobile à la hauteur de son oreille. Ses dents serrées, ses lèvres furent prêtes à prononcer les deux mots qu’il avait à dire à son ahuri de paternel. On décrocha :
"Allo~ ?
-Y a pas de allo qui vaille. Pourquoi tu m’as ame …
-Amuse-toi bien fiston et sois gentil 'kay? Tu vas devoir lui tenir compagnie toute la journée ! Si tu décides de rentrer, ne me demande plus de jouer au tennis !"
Et sans répit, il ajouta : "Ah, mon fils grandit, je suis ému ! Ton père est fier de toi ! Profite de ta jeunesse, nabot !
-Mais qu’est-ce tu racontes ? Reviens me chercher ! Allo ! Allo !"

Sale vioc ! Il avait raccroché au nez. C’était bel et bien un coup de ces deux là. Bon que faire ? Il aurait bien aimé rentrer. Mais la menace de son père resta encore ancrée dans sa tête. "Pff..."
Retournant près de l’endroit où s’entraînait Ryuuzaki, il posa son sac, s’assit sagement et la fixa de manière calme. Son cerveau, en réalité, essayait de trouver un moyen de rentrer. *Et qu’est-ce qu’ils feront l’après-midi ensemble ?* Tout ça n’avait pas l’air convaincant. Il jeta un coup d’œil sur son portable : presque 9h30. Trente minutes de perdu, il aurait pu aller pratiquer le tennis dans son lieu habituel ou jouer à Zelda sur sa superbe Nintendo 64. S’entraîner avec elle pour passer le temps ? Il douta qu’il allait apprécier l’idée. Leur match ne durera même pas dix secondes.

Et s’il faisait quelque chose pour qu’elle en ait marre de jouer et qu’elle se barre chez elle ? Ca lui permettrait de se trouver une excuse pour partir d’ici. Par exemple, s’il lui lançait ‘Ryuuzaki, c’est fatiguant de bon matin non ?’ et qu’elle lui réponde ‘oui’, bingo, come back at home. *Non* mauvaise idée. *Merde...* Elle venait sûrement à peine de commencer vu qu'aucune goutte de transpiration n'apparaissait.

S’il se moquait d’elle sur sa façon de jouer pour lui dégouter la vie, elle n’aurait sûrement plus envie de rester. Et lui, il pourra dire come back at home. *Pas bon et si le vioc l’apprend, je suis mort*

Et s’il la faisait tomber en jetant une balle au sol ? Elle trébuchera par une superbe glissée et devra rentrer à cause de la blessure et il pourra crier come bac... *Foutu merdier, c’est quoi ce plan à la con ?*
Loin de lui l’envie de faire ces trucs débiles. Et puis il n’était pas non plus du genre à souiller son sport sacré de la sorte.

Echizen fut en pleine pose de réflexion à ce moment-là : Assis en tailleur sur un gros rocher décoratif, la tête prenant appui sur la main et le coude sur la jambe. Son cerveau bouillonnait dans un coin tandis que son regard, l’air impassible, continua à dévisager la jeune fille aux tresses sans s’en rendre compte.

"Mada mada" soupira-t-il inconsciemment. Il n’avait pas encore trouvé de stratégie. Echizen ne croyait pas au miracle. S’il n’y avait vraiment aucune idée qui sortait de ses neurones, il n’aura plus qu’à changer de planning en attendant de trouver un moyen pour se barrer. Nouveau coup d'oeil furtif sur la montre : 10h. "Tché"

Ses yeux se posèrent sur le 12 de la date inscrite à côté de l'heure. *Merde!* C'était aujourd'hui. Mieux que cet entraînement monotone, il devrait y aller. *Les billets... à 11h30, ça ouvre*
"Ryuuzaki, range tes affaires et suis-moi" lança-t-il. Pieds au sol, il avança vers les escaliers pour tomber sur la route et prendre le bus.

Spoiler:

Les voici dans le bus. Les panoramas de la ville passèrent sous leurs yeux. Ca allait être juste observa-t-il, les yeux rivées sur la montre. Echizen espérait arriver à temps. Mais son visage impassible ne dévoila rien à Sakuno. Ce serait perdre du temps de montrer son inquiétude à la fille. Et une fille comme elle... le nabot à la casquette soupira. De toute manière, elle allait bien le découvrir en le suivant. Aussi allèrent-ils dans un grand boulevard. Il y avait un monde fou et des touristes pullulant les lieux avec leurs caméras et appareils photos.

Aussitôt, la destination choisie apparaissa devant lui. Silencieux, Echizen réfléchissa en voyant la queue devant l'endroit où il voulait se rendre. Il tourna calmement la tête vers la droite pour apercevoir des tas de magasins.

"Ryuuzaki, peux-tu m'attendre là?" fit-il en pointant du doigt le McDo. Et il avança vers la gauche pour s'arrêter deux pas plus loin : "Ah, et commande-moi un menu normal Royal Burger avec des frites et coca. Je te rembourserai au retour."

A ces mots, il s'éloigna. Ses pas le firent arriver devant un grand bâtiment. En levant la tête, on pouvait apercevoir une pancarte de cinéma. Echizen s’incrusta dans la file d’attente. Une demi-heure plus tard, il s'approcha du guichet. C'était encore ouvert. Ravi, il acheta deux billets qu'il rangea dans sa poche.

Il sortit alors des lieux et se dirigea vers le fast-food. *Aagh… je crève la dalle*
En entrant, il balaya la salle du regard pour trouver Ryuuzaki dans un coin. A sa grande surprise, elle était avec quelqu’un. Le gamin se rapprocha les mains dans les poches et les interrompu dans leur conversation : "Ryuuzaki, tu as acheté ce que je voulais ?"

Bien entendu, il n’était pas aveugle. La commande était sur la table. Mais cette question valait le coup et Echizen ne s’en priva pas. En même temps qu'il posait la question, il regarda la personne qui était avec la fille aux tresses, un type qu'il n'avait jamais vu.